Interview de Doggy

L’indie pop limogeaude résonne à nouveau avec le nouvel album de Doggy, Radio.TP. Guillaume, le leader du groupe, nous évoque les thèmes qui traversent le disque, les labels qui le soutiennent, les groupes d’indie pop qui l’influencent, et un peu sa fille, ses cours de trompette…

Nous avons beaucoup de joie à retrouver Doggy, groupe d’indie pop de Limoges porté par Guillaume Bassard (ex-Caramel, Anorak Records, Skittle Alley) 4 ans après la sortie de l’ep  « Tour de Boisseuil » sur le label Little Treasure . Guillaume est entouré de Stéphane Balanche, Stéphane Pomedio et de Pierre Escarguel. Certains avaient eu la chance de les voir à Rennes lors d’une soirée Popis au Bar Hic en 2015. Radio.TP. est leur nouvel album, à sortir sur les labels Kocliko Records (Esp) et Jigsaw Records (USA). La formation née en 2004, défend d’une bien belle manière la pop ligne claire avec des textes en français.  On l’entend à nouveau sur les 8 morceaux.

2014 pour le dernier ep Tour de Boisseuil,  4 ans d’absence, ce nouvel album a demandé plus de temps ? 

Ce nouvel album n’a pas vraiment demandé plus de temps que d’habitude pour l’écriture des chansons. Mais, pour celui-ci, nous voulions l’enregistrer tous les quatre, avec notre matériel, et dans nos maisons. Comme Fanou et moi sommes sur Limoges et Steph et Pierre à Toulouse, et comme nous avons tous des emplois du temps chargés, on a eu du mal à se caler des week-ends pour enregistrer. Et du coup, nous avons fait 4 ou 5 sessions réparties sur un an et demi. Pour le mix, on a aussi tout fait nous-mêmes : et quand on a le temps (pas de date limite pour rendre le résultat, et pas de frais de studio), on prend son temps ! Et on a pris autant de temps qu’il a fallu pour être content du résultat…

Tu avais déjà le morceau « Tout ce qu’elle est devenue » quand vous étiez venus à Rennes en 2014.

Effectivement, « tout ce qu’elle est devenue » est relativement ancienne. C’était d’ailleurs la première fois qu’on la jouait lorsque nous sommes venus à Rennes, en 2015 je crois.
Et pour l’album, on a ressorti et réenregistré deux chansons très anciennes (vers 2000) qui n’avaient jamais eu de vraie existence discographique : Le Vendeur d’Oies du Limousin (qui était sortie sur une compil américaine à l’époque) et Le plus gêné des deux qui doit même dater d’un groupe pré-Doggy qui s’appelait Corner Kick.

Qu’évoque le titre de cet album « Radio TP » qui est aussi un morceau ?

Le titre Radio TP est en premier lieu le nom de la chanson. C’est le nom de la station de radio fondée par le personnage de la chanson, sans doute le seul et unique membre permanent de l’entreprise et qui décide de ne pas survivre à l’œuvre de sa vie ! Plusieurs inspirations : la naissance d’une station de radio dans le New York des années 1920, décrite par Luca Di Fulvio dans « Le gang des rêves », mais aussi le vocabulaire des travaux publics (TP).
C’est le titre de chanson qui sonnait mieux en tant que titre d’album, alors c’est le titre de l’album, pas de raison particulière à ça !

Peux-tu nous parler des thèmes qui traversent ce disque ? On ressent la nostalgie du temps passé, les amis qui s’éloignent, les amours, la disparition.

L’idée a toujours été avec Doggy de ne pas être trop explicite, ni descriptif dans les paroles – il est vrai souvent mélancoliques -, en gardant une forme musicale carrément ultra-pop, enjouée, rapide, et en essayant de faire plutôt naître des images dans le texte, à partir de situations, de personnages. Ainsi, chacun peut se faire sa propre interprétation.
Mais c’est vrai que souvent on voit ces personnages confrontés à un avant/après : l’exil (Pars reviens pars), les blessures physiques ou autres (Cheville Œil cœur), ou à une vie qui file (Radio TP, Le Vendeur d’Oies)…

On aime beaucoup la trompette sur « Pars revient pars ». C’est toi ? On la retrouve un peu sur le morceau instrumental Spud ? C’est un chouette morceau dansant avec des variations de rythme. Tu peux nous en parler ?

J’ai pris des cours de trompette il y a quelque temps, car j’ai toujours aimé son utilisation dans l’indiepop, des Pale Fountains aux Brilliant Corners, le côté claquant et sec, et je voulais être capable d’en jouer suffisamment pour en mettre de temps en temps dans les morceaux.
Pour Spud, c’est très rare qu’on s’essaye à faire des morceaux instrumentaux. De prime abord, je ne suis pas trop fan d’ailleurs des instrumentaux en général. Il faut qu’ils s’inscrivent dans un format « chanson », concis, courts. C’est que je trouve difficile à faire. Celui-ci a pour fonction de mettre une respiration dans le disque, et apporter un peu de variété au milieu des chansons…
J’ai voulu faire un truc qui puisse s’apparenter à une musique de jeu vidéo très simple et répétitif, mais uniquement avec des instruments non synthétiques. Son titre, « Spud », c’est en référence à Spud Webb, un basketteur des Hawks d’Atlanta qui avait gagné le concours de dunks du all-star game NBA en 1986, tout en mesurant seulement 1 mètre 70, avec une détente super impressionnante ! Je l’avais suivi et ça m’avait marqué. C’est le côté bondissant du morceau.
Dans Spud, il y a aussi un tout petit peu de saxo joué par une de mes filles.

Sur le morceau Cheville oeil coeur, on ressent la touche électro clavier de Fanou ?
L’influence de Coastal peut en effet se faire sentir sur ce morceau ! Je me souviens que quand je lui ai fait écouter la démo chez lui, il était super content ! Alors c’est sans doute un clin d’œil…

Les Agisseurs : une chanson engagée ? L’importance de s’arrêter et de regarder autour de nous pour agir… une envie ? « des artistes en résidence qu’on retrouve pour les vacances, des coopératives… »
Pas vraiment une chanson engagée ! Plutôt un exercice de style. En fait, je voulais écrire depuis longtemps un morceau avec l’expression « repas tiré du sac » dedans. C’est quelque chose qu’on voyait beaucoup il y a quelques années sur les programmes ou les affiches de manifestations néo-rurales, que je voyais souvent lorsque je travaillais dans l’est de la Haute-Vienne (en allant vers le Plateau de Millevaches)… Alors du coup, j’ai remis la chanson dans ce contexte de réseaux d’entraide, d’économie sociale et solidaire et j’ai utilisé les expressions des acteurs de ce monde-ci. Je n’ai pas pour lui d’aversion particulière sur le fond, au contraire, mais il peut parfois agacer, sur la forme, par son côté exclusif, son champ culturel paradoxalement pas très ouvert. C’est peut-être une manière de m’en moquer gentiment ! J’aime bien de toute façon écrire au sujet de contextes sociologiques particuliers et spécifiques, comme sur le monde de l’entreprise que j’ai exploré par le passé avec des chansons comme « Mon service a disparu » et « Que rien n’arrive ».

Comment s’est faite la rencontre avec le label espagnol Kocliko records ? Vous les connaissiez déjà ? Et  Jigsaw records ?
Jigsaw Records, c’est un label qu’on connaît depuis longtemps, plutôt pour son activité de distribution et pour son blog Indiepages, qui a toujours suivi Doggy. On a toujours été en contact, notamment pour Anorak Records.
Pour Kocliko, il faut rendre grâce à Yves, de Hands and Arms, disquaire à Paris, avec qui j’avais passé un après-midi à essayer de définir quel serait le meilleur label pour Doggy. On avait fait une liste d’une dizaine, à qui j’avais envoyé les morceaux : c’est Jigsaw et Kocliko qui ont répondu en premier, de façon enthousiaste !

Des dates en prévision ?
Pas pour l’instant ! Mais on compte bien jouer ces chansons sur scène, un peu partout. A suivre !

Quels artistes d’indie pop sont toujours aussi chers à ton coeur et t’inspirent, te guident ?
J’ai bien peur d’être un peu court sur le sujet, sur le plan des artistes récents.
J’ai toujours adoré l’indiepop des années 80-90, que ce soit The Field Mice, le label Sarah en général (The Sugargliders surtout), The Housemartins, l’efficacité et le format court ! En général, ce que recherche, c’est la chanson qu’on peut écouter 15 fois de suite.
La liste serait longue des groupes ou chanteurs qui ont pu m’inspirer : The Lucksmiths pour la mélodie et la précision, Trashcan Sinatras pour le souffle, Billy Bragg pour les textes, Belle and Sebastian au début, … En ce moment, j’écoute beaucoup des groupes espagnols des années 90, comme La Buena Vida et Family ; En fait, surtout des vieux trucs !

En ce qui concerne les textes, Dominique A au début, et le côté indiepop de Trenet, la légèreté sur les sujets pas si légers, et le pouvoir des images.

Il y a deux trucs que je peux écouter tout le temps, c’est Soda Fountain Rag parce que je suis 100 % d’accord avec elle sur le plan de la construction et des arrangements, et puis The Mountain Goats, qui depuis 25 ans aligne les chefs-d’œuvre, et est trop peu connu et apprécié.

Est-ce que tu as un souvenir d’un morceau qui t’a vraiment marqué plus jeune, un premier souvenir musical ?
Je me souviens que quand j’étais petit, j’écoutais tout le temps le live de Simon et Garfunkel à Central Park, avec le livret pour les paroles.

Merci Guillaume !
Allez « je dois rattraper 10 ans de romans scandinaves » en écoutant l’album de Doggy 😉 Besos


Cover du graphiste Greg Barek

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