La beauté poignante du nouvel album de Mount Eerie

Now Only, nouvel album folk de Phil Elverum  

Le folk de Mount Eerie nous remplit d’une lumière teintée de tristesse et nous rappelle que le moment présent est à vivre intensément.

Le surnom de Mount Eerie va bien à Phil Elverum. Ce lien avec la nature. Cet artiste américain, qui officiait sous le nom The Microphone sur le label K records (fondé par Calvis Johnson en 1982 : Heavenly, Tiger Trap..) vit sur l’ïle Fidalgo au nord ouest de l’état de Washington, près du Mont Erie. Prolifique pour notre plus grand plaisir, il a composé nombre d’ep et huit albums depuis 2004, dont A Crow Looked At Me (2017 en hommage à sa femme) ou encore le superbe Sauna (2015), sortis sur son propre label P. W. Elverum & Sun.

Sur le dernier disque, au titre sobre et épuré de Now Only, il nous offre des morceaux d’une intimité poignante, six morceaux narratifs tels un journal intime, qui mêlent ses souvenirs avec Geneviève Castree, décédée il y a deux ans, l’hôpital, leur rencontre, lui avec sa mère plus jeune, et le présent. Now Only bouleverse. Malgré la douleur omniprésente, le deuil a fait son chemin depuis A Crow Looked At Me et cette douleur semble moins prégnante, telle la vague s’éloignant du rivage « These waves hit less frequently. They thin and then they are gone. »

L’album s’ouvre sur Tintin in Tibet, bouleversant, « I sing to you. I sing to you Geneviève. I sing to you. You don’t exist. I sing to you though ».

Comment survivre après la disparition de l’être aimé ? « To be still alive felt so absurd » s’entend dans le titre éponyme Now only qui semble plus léger : trompeur si on ne prête pas l’oreille aux paroles avec cette guitare accompagnée de piano batterie. La vie continue, mais des notes plus sombres nous ramènent non pas au chevet de Geneviève mais dans un festival dans lequel il se produit, qui permet une échappée, parler écriture avec d’autres artistes. Ses interrogations métaphysiques parcourent l’album, y-a-t-il quelque chose après la mort ? Une réincarnation possible comme il est question dans le superbe morceau Earth plus électrique ? Le morceau suivant Distortion, fait vaciller cette pensée, « But I don’t believe in ghosts or anything. I know that you are gone and that I’m carrying some version of you around, some untrustworthy old description in my memories. » Le lien avec la nature se ressent peut-être encore plus sur cet album, le bruit du vent, de l’eau dans Earth notamment.  On l’imagine très bien grimper au sommet du mont Erie et laisser ses pensées vagabonder.


Now Only parle beaucoup d’art par ailleurs.  L’art peut-il aider, nous faire dépasser les épreuves ? En témoigne la pochette de l’album avec les photographies ornant son frigo qui se distillent dans ses morceaux : réminiscences d’un passé heureux, la photo en noir et blanc de Beat Happening avec Calvis Johnson, la citation du poète Walt Whitman (« Let your soul stand cool and composed before a million universes » Songs Of Myself),  l’évocation de deux tableaux du peintre norvégien Nikolaï Astrup (Foxgloves). Six très beaux morceaux que Phil laisse se déployer, dix minutes pour Distortion et Two Painting. On garde en écho la montée avec la basse dans Earth qui se répète dans le morceau suivant, faisant de Now Only un tout. Un disque déchirant, essentiel.

 

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